EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE, UNE RENTRéE SCOLAIRE PLACéE SOUS LE SIGNE DE L’ABSENCE

Des classes silencieuses, vides, à l'abandon. Victimes d'une insécurité grandissante qui ravage la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, plus de 14 000 écoles ont fermé leurs portes en 2024 pour ne pas rouvrir, s'alarme le Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR). L'ONG profite de la journée internationale pour la protection de l'éducation contre les attaques, pour tirer la sonnette d'alarme. Ce sont des millions d'enfants qui ne sont plus scolarisés. « Le droit des enfants à l'éducation doit être protégé alors que l'avenir de toute une génération est en jeu », déclare le CNR, mettant en lumière l'ampleur du défi auquel font face des pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC).

Non scolarisés, ces millions d'enfants sont des victimes potentielles. Ils deviennent la cible des groupes armés qui cherchent à les recruter, sont soumis au travail, exposés à la violence et à l'exploitation sexuelle. « L'éducation est assiégée en Afrique de l'Ouest et du Centre. Le ciblage délibéré des écoles et le refus systémique de l'éducation en raison de conflits ne sont rien de moins qu'une catastrophe. Chaque jour où un enfant n'est pas scolarisé est un jour volé à son avenir et à celui de leurs communautés », a déclaré Hassane Hamadou, directeur régional du CNR pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

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Un cercle vicieux

L'absence de scolarisation représente une perte inestimable, celle d'une génération instruite, entraînant de graves répercussions socio-économiques. C'est une génération en grande fragilité. « Les filles sont confrontées à des risques accrus de mariage forcé et d'exploitation, ce qui aggrave encore les inégalités de genre et sociales », insiste le CNR. Le recrutement et l'enlèvement d'enfants par des groupes armés les exposent à une grande violence, à l'exploitation, et perpétuent ainsi les cycles de pauvreté et d'instabilité dans la région.

Le Cameroun fait face à trois crises humanitaires complexes : le conflit du bassin du lac Tchad, la crise des régions anglophones et l'impact des réfugiés venus de République centrafricaine. Depuis 2017, dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, aller à l'école reste « dangereux pour les enfants et les enseignants, en raison d'attaques violentes et de menaces régulières contre le personnel éducatif, les élèves et les infrastructures », dénonçait l'ONU, en octobre 2023. Pour cette rentrée, les groupes séparatistes ont imposé un confinement pour les deux semaines à venir et de nombreux parents n'osent plus envoyer leurs enfants à l'école. Les enseignants de ces deux régions font l'objet de très sérieuses menaces. Nombre d'entre eux ont perdu la vie ou ont été kidnappés.

En RDC, dans l'est du pays, la violence et les tensions intercommunautaires ont entraîné la fermeture de 1 457 écoles depuis le début de l'année 2024, affectant plus de 500 000 élèves et 12 700 enseignants. Les groupes armés continuent d'occuper les bâtiments scolaires, les utilisant à des fins militaires.

Le NRC appelle la communauté internationale, les gouvernements et toutes les parties au conflit à prendre des mesures immédiates et durables pour protéger l'éducation. Il s'agit notamment de mettre fin aux attaques et à l'occupation des écoles, d'assurer la sécurité des élèves et des enseignants et de fournir un financement adéquat aux programmes d'éducation dans les régions touchées par les conflits.

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Du mieux au Mali, au Burkina Faso et en Centrafrique

Au Mali et en République centrafricaine (RCA), le nombre d'attaques contre l'éducation a diminué entre 2022 et 2023. Au Burkina Faso, environ 1 300 écoles ont rouvert en 2024 dans plusieurs zones contrôlées par le gouvernement, permettant à des milliers d'enfants de retourner en classe.

« La réouverture des écoles au Burkina Faso et la réduction des attaques contre l'éducation au Mali et en République centrafricaine montrent que des progrès sont possibles », a déclaré Hassane Hamadou. « Nous devons poursuivre sur cette lancée pour garantir que tous les enfants aient accès à une éducation de qualité, sûre et inclusive. »

Au Cameroun, cette rentrée scolaire a tout de même enregistré une bonne nouvelle. En visite officielle à Yaoundé, Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, a annoncé la mobilisation de 44,5 millions de dollars pour l'éducation. Ils financeront notamment la modernisation des programmes scolaires et la formation de plus de 28 000 professionnels de l'éducation, mais aussi la distribution de repas scolaires.

Enfin, le Centre d'éducation à distance de Yaoundé va voir ses fonctions s'élargir. Créé en 2020 pendant la pandémie du Covid, il diffuse depuis des contenus éducatifs pour les élèves qui résident dans les zones les plus reculées du pays. Le Centre va accueillir les premiers studios d'enregistrement d'EDUCA-TV, la nouvelle chaîne éducative de l'Unesco. Cette chaîne proposera des contenus scolaires pour préparer les examens et des contenus sur des enjeux, comme la santé publique, la protection de l'environnement ou encore l'éducation aux médias et à l'information. Elle sera accessible gratuitement dans vingt pays de la région.

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Une menace nommée changement climatique

Outre l'insécurité, ce sont les inondations qui menacent la rentrée scolaire pour des milliers d'élèves. Tchad, Niger, Nigeria, Mali, mais aussi le nord de la Côté d'Ivoire, du Ghana, sont sous les eaux. Dans l'extrême-nord du Cameroun, 70 000 élèves attendent toujours la rentrée, selon l'ONU. « Pour nous la véritable question, c'est, après les inondations, quel va être l'état des infrastructures d'accueil », s'inquiète Mamadou Boukar Alifa, président de l'association pour le développement du département du Mayo-Danay à Voice of Africa.

Les inondations ont entraîné le déplacement de près de 1 million de personnes au Niger, au Nigeria et au Mali. « Ces pays sont déjà ravagés par les conflits et l'insécurité, ce qui rend encore plus difficile la réponse. Il est essentiel que l'aide parvienne rapidement à ceux qui en ont besoin pour éviter que la situation ne s'aggrave. Et nous avons besoin d'une action urgente et audacieuse au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique, à mesure que son impact sur les enfants devient de plus en plus visible », a affirmé Vishna Shah-Little, directrice communication de Save The Children Afrique de l'Ouest et Centrale.

À l'avenir, cela implique de garantir que les bâtiments comme les écoles soient plus résilients aux événements météorologiques extrêmes, tels que les inondations. Selon Gilles Fagninou, directeur régional de l'Unicef pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, le pire est à venir : « On prévoit des inondations encore plus graves pour la fin de l'année, ce qui risque d'aggraver la situation des enfants et des familles de la région. »

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