POUR KARIM WADE ET BASSIROU DIOMAYE FAYE, UN DERNIER TANGO EN TERRE QATARIE

La poignée de main entre le chef de l’État et le fils et ancien ministre d’Abdoulaye Wade est l’image sénégalaise du jour. Pris à Doha, le cliché transpire un « je t’aime moi non plus » où se mêlent politique, justice et économie.

N’en déplaise aux professionnels de la langue de bois qui justifient la rencontre entre Bassirou Diomaye Faye et Karim Wade par une volonté d’« ouverture », l’événement est difficile à décrypter, aucune des parties prenantes n’ayant avoué être à l’initiative du rendez-vous. Récemment conforté par les résultats des élections législatives, le chef de l’État sénégalais n’est pas censé chercher à amadouer ses opposants, encore moins ceux qui se sont éloignés du territoire sénégalais.

Très diffusée sur les réseaux sociaux, la poignée de main du 8 décembre a des allures de tango, une danse synonyme d’étreinte et de violence contenue. Si Bassirou Diomaye Faye n’a guère besoin, dans l’immédiat, du soutien politique du fils d’Abdoulaye Wade, il sait que son hôte dominical est influent, dans de nombreux dossiers économiques qui concernent la région du Golfe, entre autres, mais aussi dans la gestion du Fonds stratégique d’investissement qatari pour l’Afrique. De même, si Karim Wade a été gracié, en 2016, de sa condamnation pour enrichissement illicite, il sait qu’il reste débiteur d’une amende de 138 milliards de F CFA…

Valse politico-économique

Mais sur le plan purement politicien, le pas de deux de Faye et Wade ressemble aussi fortement à un cha cha cha, une danse cette fois-ci faite de pas en avant et de pas en arrière. Karim Wade avait soutenu Bassirou Diomaye Faye lors de la dernière élection présidentielle, mais pas pour les législatives du 17 novembre.

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Et ce n’est peut-être pas à Doha que les deux hommes purgeront leur relation alors que l’entourage de Wade affirme que quelques différends politiques persistent, la présidence sénégalaise susurre que le chef de l’État n’a pas rencontré le secrétaire général adjoint du Parti démocratique sénégalais (PDS), mais l’ancien ministre d’État, de la Coopération et des Transports… Une manière de rattacher la dimension politique de la séquence à la sphère économique.

Quoi qu’il en soit, cette poignée de main n’aurait pas de sous-entendu judiciaire : les proches du régime actuel ont beau affirmer que Karim Wade est libre de rentrer au Sénégal quand bon lui semble, ils n’esquissent aucune perspective de révision de son procès.

Doha, terrain neutre

Les observateurs de la vie politique sénégalaise sont donc invités à considérer que c’est presque le hasard qui a réuni les deux hommes. Si Bassirou Diomaye Faye est venu au Qatar, où réside Karim Wade depuis sa libération, c’est pour prendre part à la 22ᵉ édition du Forum de Doha – plateforme internationale consacrée aux échanges sur les grands défis globaux.

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À Doha, le président sénégalais a présenté, de source officielle, un plaidoyer en faveur d’un Sénégal et d’une Afrique « décomplexée, jeune, ambitieuse et résolument ouverte au monde », exemple de résilience, de créativité et de détermination. Autrefois prometteur fils de président, Karim Wade n’incarne plus vraiment la relève. Et il est bien plus âgé que le nouveau chef de l’État…

2024-12-09T17:07:02Z