AVEC «NO PASARAN», 20 RAPPEURS S’ENGAGENT CONTRE LE RASSEMBLEMENT NATIONAL SANS MâCHER LEURS MOTS

Au lendemain de la percée du parti d’extrême droite au premier tour des élections législatives, un collectif d’une vingtaine de rappeurs dévoile un morceau incisif, s’attaquant frontalement au Rassemblement National et à ses représentants. Sur un fond d'images d’archives, les couplets des artistes s'enchaînent et révèlent un discours sans concession.

Intitulé « No Pasaran » (« Ils ne passeront pas »), le titre fait écho au célèbre cri de ralliement des Républicains durant la Guerre civile espagnole (1936-1939), luttant contre les Nationalistes dirigés par le général fasciste Francisco Franco. Ce slogan est devenu un symbole universel de résistance face à l’oppression.

Chaque rappeur s'exprime tour à tour, défendant son propre engagement. Le collectif réunit des artistes de toutes les générations : Zola, Fianso, ISK, Alkpote, Akhenaton, Kore, Nahir, Seth Gueko, Demi Portion, Soso Maness, Pit Baccardi, Cokein, Ashe 22, UZI, RK et d'autres. L'entrepreneur Ramdane Touhami a confié au Parisien avoir eu l’idée de ce projet aux côtés de DJ Kore, suite à l'annonce de la dissolution par Emmanuel Macron.

Des punchlines incisives

Pendant 9 minutes 43, des thèmes brulants y sont abordés : immigration, violences policières, mais aussi le conflit israélo-palestinien ou encore l'impact de CNEWS dans la désinformation des jeunes générations. Les artistes appellent à un réveil collectif et exhortent avec un langage fleuri à voter à gauche au second tour des législatives, comme l'exprime Kerchak avec ces paroles : « Lève-toi va voter faut pas rester assis alors que c’est nous la France ces bâtards ils sont.../ Alors que c’est nous la France ces bâtards ils sont sciés » ou encore « J'fais la passe que vers la gauche qu'elle soit en crocs ou en Margiela. »

Pour le Parisien, Fianso explique son engagement dans ce projet : « J’ai participé à ce morceau (...) car j’ai grandi dans l’héritage d’un rap français très pointu, engagé et qui m’a beaucoup inspiré. Il y a déjà eu (en 1997) un morceau qui s’appelait 11 minutes 30 contre les lois racistes, une chanson fondamentale pour moi et qui m’a aidé à comprendre à la fois le racisme en société, mais aussi la manière de s’en défendre. La culture a son mot à dire et a vocation à s’exprimer sur cette typologie de sujets. Je suis de la génération où le rap ne se dissocie pas du message. »

Certains passages du morceau sont davantage incisifs. Alors que Zola défie Jordan Bardella dans « un octogone », Fianso clame lui « Jordan t’es mort/Jordan t’es mort ». Mais il n’est pas le seul à en prendre pour son grade : Marine et Marion Maréchal Le Pen sont violemment prises à partie, notamment par Alkpote, connu pour ses paroles crues, qui les qualifie de « chiennes en rut ».

Un titre contre-productif ?

Sur les réseaux sociaux, la chanson suscite la controverse. À gauche comme à droite, elle divise et certains craignent même qu’elle ne serve les intérêts du Rassemblement national. En cause ? Les références complotistes telles que « le monde est contrôlé par les illu…minés » un clin d'œil aux Illuminatis, mais aussi les allusions à la franc-maçonnerie. En prime, des propos comme « ils font du mal à nos enfants, ils veulent nous injecter une puce dans le sang » par Alkpote, avec Bill Gates en visuel, qui pourraient brouiller le message du morceau.

De « Marion et Marine les putes / Un coup de bâton sur ces chiennes en rut » à « on baise la mère à Bardella », les paroles misogynes du morceau sont également pointées du doigt. Enfin, l’absence de femmes parmi les rappeurs de ce projet a été regrettée sur les réseaux sociaux.

Mais quand la question de la légalité de certains propos se pose, Ramdane Touhami précise au Parisien : « (Lorsque Fianso dit “Jordan t’es mort”) c’est une référence au moment où Cédric Doumbè, le champion de MMA, a gagné son match [contre Jordan Zebo, NDLR] et que tout le stade, y compris Mbappé, avait scandé “Jordan, tu es mort”. Si on n’a pas la référence, on pourrait croire qu’on menace Jordan Bardella, mais on peut se justifier. Le but, c’était de jouer avec les limites et de faire des références. »

Le rap est toujours un art politique

Ramdane Touhami ajoute toutefois que l'objectif était celui-ci : « On est là pour que les gamins arrêtent de penser que Jordan Bardella est un mec cool ». Il souligne que le projet visait à démontrer que le rap demeure un art politique et engagé contre l’extrême droite.

Ce titre s’inscrit dans la lignée de « 11 minutes 30 contre le FN », sorti lors du premier tour de la présidentielle de 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s'était hissé au second tour face à Jacques Chirac. Sur les réseaux sociaux, certains se rappellent avec nostalgie les morceaux mythiques de Diam’s, « Marine » (2004) et « Ma France à moi » (2006).

Tous les bénéfices réalisés avec « No Pasaran » seront reversés à la Fondation Abbé Pierre.

2024-07-02T14:54:45Z dg43tfdfdgfd